Pour cette 27e édition du festival albigeois Pause Guitare, nous avons choisi de partir de l’autre côté de l’Atlantique en s’intéressant aux Québécofolies, vitrine musicale qui, depuis 13 ans, permet aux meilleurs artistes francophones du Canada de faire découvrir leur talent auprès de professionnels de l’industrie musicale partout en Europe.
YAO, LOU-ADRIANE CASSIDY, BON ENFANT et EMILE BILODEAU sont les 4 chanceux qui ont pu partager leur univers avec le public et les professionnels présents durant cette édition 2023.
Malheureusement, nous n’avons pas eu la possibilité d’échanger en tête en tête avec les artistes et de vous rapporter l’enregistrement live comme nous aimons le faire, mais nous avons pu assister à leur concert … dont nous vous partageons quelques clichés ainsi que nos impressions !
C’est de manière théâtrale que le bal s’ouvre avec YAO. Né en Côte d’Ivoire de parents togolais, c’est à l’âge de 13 ans que Yaovi HOYI débarque à Ottawa (Canada). Durant son parcourt scolaire, il explore le théâtre et la création littéraire puis les sciences commerciales, qui le mènent vers un emploi en finance ; l’appel de la musique est plus fort, c’est alors qu’il décide de s’y consacrer pleinement, notamment suite à sa rencontre avec FLO (de leur duo naîtra en 2006 un album auto-produit) puis avec une vieille connaissance, Lynx (là naîtra « Généris » en 2011). S’en suivront de nombreuses nominations et récompenses en solo, dont le prix Édith-Butler de la Fondation de la Société Professionnelle des Auteurs et Compositeurs du Québec (SPACQ) en 2017 et, la même année, la Médaille commémorative du Sénat à l’occasion du 150e anniversaire de la Confédération du Canada. Cette distinction souligne surtout son implication dans la communauté et la valorisation de la diversité culturelle, travail de nouveau récompensé l’année suivante par le prix Artiste-éducateur de la Fondation des arts de l’Ontario.
Passons au concert. Chaque mot qu’il prononce est authentique, précis et vous prend aux tripes. Portés par sa voix grave et ses musiciens (notamment Elijah Mansevani à la guitare) au jeu groovy, funk voir soul, ils prennent une dimension magique, nous rappelant ce fameux pouvoir des mots qui nous touche, nous chamboule, nous guérisse. Son slam poétique et imagé est rempli de paysages naturels vous transportent dans son univers doux parfois brusque, introspectif et vibrant de sensibilité.
Son dernier album Kintsugi, dont nous avons eu la chance d’en vivre un extrait, explore à merveille les notions de peine, de résilience et d’espoir ; un réel voyage à travers les failles et la guérison de l’homme, ou « kintsugi de l’homme » pour citer l’artiste. Sur le même principe que cet art japonais, ses blessures de l’existence sont pansées et magnifiées par l’or des mots dans ce spectacle catharsis (« Effet placebo »).
YAO, c’est la justesse du verbe mais également la justesse du geste. Son idée du live show, « faire vivre la musique et la montrer » comme il aime dire à ses musiciens, l’artiste a su nous en faire une démonstration remarquable en nous donnant l’expérience de ses textes non pas seulement par sa voix, mais par son corps tout entier ; ses mains font peser les mots un à un, sa danse et ses sauts traduisent la force des émotions qui le traverse (« Il est homme »). Là est la force de la musique jouée en live : la musique est transmise et vécue dans l’entièreté de sa richesse, dans une intime proximité.
Riches de l’expérience de plus de 75 concerts même pour son jeune âge, autrice-compositrice et interprète, LOU-ADRIANE CASSIDY et ses musiciens (Alexandre MARTEL : Basse, Guitare électrique, Rhythm King, Claps / Simon PEDNEAULT : Guitare électrique, Clic, Claps / Pierre-Emmanuel BEAUDOIN : Batterie, Claves, Triangle, Claps / Vincent GAGNON : Piano, JX3P, Claps) connaissent la scène et y sont à leur aise. Elle arrive sous les lumières en 2017, alors finaliste au Festival de la Chanson de Granby et aux Francouvertes, puis ne cesse de susciter l’intérêt autant des québécois que des français avec son premier album « C’est la fin du monde à tous les jours » en 2019. Puis en 2020, elle suit les traces de sa mère Paule-Andrée CASSIDY en obtenant le prestigieux Coup de Cœur de l’académie Charles-Cros, 18 ans après que celle-ci l’ai reçu : preuve qu’elle était destinée à cette voie de vie.
J’y ai découvert une artiste sensuelle, amoureuse et en colère, animée d’une puissante douceur. La puissance, c’est lorsque les guitares et la batterie énervées côtoient la voix d’une femme qui n’en fait qu’à sa tête (« Réponds », « J’espère encore que quelque part l’attente s’arrête ») ; la douceur, c’est lorsqu’elle attrape sa guitare pour nous livrer des mots plus personnels dans une balade des plus intimes (« Ça va ça va »).
Lorsqu’elle opte pour un style beaucoup grunge et rock, part d’elle-même qu’elle a confié avoir découvert au fil de multiples collaborations sur de nombreux projets (notamment avec Hubert LENOIR), LOU-ADRIANE occupe pleinement la scène dans l’esprit de ce style anglo-saxon des 70’s : chaussée de Doc Martens elle se donne corps et âme à son texte, cassant sa voix les cheveux plaqués sur son visage, se rapprochant du public et se jetant parfois au sol avec intensité … et ça on adore !
En toute honnêteté, BON ENFANT nous a été plus délicat à cerner ; c’est ici que nous avons ressenti la différence culturelle et d’héritage musical entre la France et le Canada francophone. Malgré cette difficulté première, le groupe a su nous entraîner dans sa vibe rock-psyché des années 1970-80, nous offrant un moment de légèreté entraînante, pleine de couleurs et de fantaisie. Sur scène se dégageait une réelle symbiose entre la chanteuse Daphné BRISSETTE (du groupe Canailles) et ses musiciens (Guillaume CHIASSON (Ponctuation) accompagné d’Étienne CÔTE (Canailles, Lumière), Mélissa FORTIN (Canailles) et Alex BURGER (lui-même)), qui nous ont emporté dans leurs solos farfelus et psychédéliques. Cette symbiose, elle a mis au moins 5 ans à se mettre en place, les confinements donnant presque un coup de pouce au travail de recherches.
Les sonorités de vieux clavier et le chant aérien des guitares nous ont fait faire un voyage dans le temps, se mariant parfaitement avec la douceur imagée des textes comme avec la chanson « Pâte à biscuit » … une douceur néanmoins teintée d’aigreur avec « Chagrin d’amour » par exemple, mais sans perdre de son âme d’enfant.
BON ENFANT fait du bien à notre cœur d’enfant autant qu’il parle à notre vie d’adulte. Si le rock québécois vous intrigue, foncez le découvrir avec ce groupe, qui, même s’il peut paraître très éloigné de nos musiques européennes saura charmer votre âme d’enfant.
Enfin, c’est avec son humour lucide et (ra)conté qu’ÉMILE BILODEAU a fermé la marche, accompagné de ses musiciens Nathan VANHEUVERZWIJN aux claviers, Simon VEILLET à la basse, Sarah DION à la batterie et Miriam PILETTE à la guitare. Nous y avons découvert un artiste généreux en tous points : une bonne humeur débordante accompagnée d’un style folk-rock enjoué, une gestuelle dynamique digne d’un one man show, des vannes habilement posées en plein milieu de ses textes (« J’en ai plein mon cass ») … dans une même chanson, l’auteur-compositeur-interprète réussit à aborder autant le thème de l’amour que du chaos (« L’amour au temps de la fin des temps ») ou bien la fine limite qu’il existe entre l’espoir et son contraire (« Le bar des espoirs »). L’artiste joue avec les contraires et le dramatique de la vie, l’amenant à un tel point d’absurdité qu’elle en devient plus simple à vivre. Et tout cela fait sens lorsqu’on jette un œil à son parcours : il compose ses premières chansons à 16 ans, sort un CD durant ses études, accède à la finale de son premier festival en 2013, se fait remarquer par son jeu d’improvisation théâtrale au festival Juste pour rire la même année … puis enchaîne l’obtention de prix lors de nombreux festivals, avant d’être repéré par le fondateur du label Dare to Care Records Eli BISONNETTE durant les Francouvertes de 2015 … pour, en parallèle, obtenir le premier prix du Cabaret Festif ! De la Relève. De grands noms de la chanson québécoise croisent sa route, comme Philippe B (qui réalisera et arrangera son premier album « Rites de passage » en 2016) ou Steve Jolin, lui permettant d’élargir ses créations.
Autre aspect de la générosité qui le caractérise, son travail de collaboration avec la communauté Innue marqué avec le titre « Tshe Minupunanu » (« On est chanceux »), co-écrit avec Scott-Pien et le groupe Maten. Le but ? Mettre en avant la richesse culturelle du territoire Canadien, l’histoire, les langues et les coutumes de ces peuples peu à peu oubliés, et combien il est beau de pouvoir partager le même territoire.
EMILE nous amène à aborder et à penser la vie avec humour mais surtout … surtout à garder espoir.
Cette expérience musicale que nous ont offert nos voisins d’outre-atlantique a été une surprenante découverte, autant pour les artistes que pour l’héritage culturel qu’ils ont emporté dans leurs valises, et nous a provoqué l’envie d’élargir nos horizons francophones ... Nous vous invitons très fortement à aller écouter leurs créations, et si possible de les vivre en live car c’est dans cette expérience que la musique prend réellement tout son sens.
YAO
Dernier album Kintsugi : https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_m76qXVuezo_bB8HAmBSNC-poao_ay4VD4
LOU-ADRIANE CASSIDY
Dernier album Lou-Adriane Cassidy vous dit : Bonsoir : https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_kN6_ziuhSFUl2MGgwDsVyP2T1Wx8lYl2A
BON ENFANT
Dernier album Diorama : https://youtube.com/playlist?list=PLUwBPnwTfUjoIgWdhhLRFv8k2Lm973gmi
EMILE BILODEAU
Dernier album Tout seul comme un grand : https://youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_nbg0_UwutwUjRCqUAX_nGUb-j5fqCpD3o
Les Québécofolies : https://www.quebecofolies.ca/
Comments